Imaginez un peu ce que les laboratoire devraient payer
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- Catégorie : Bibliographie
- Publié le jeudi 15 mai 2014 07:02
- Écrit par Meleze
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Le texte que nous presentons ici est composé de deux parties:
- D'une part un resumé d'une biographie de Jacques Monod fait par Olivier Faure a la suite de la parution en 1996 aux editions Flammarion a Paris de l'ouvrage de Patrice Debré sur Jaques Monod ce qui donnera aux lecteurs touts les details necessaires sur la formation de la pensée de Monod . Le texte de Olivier Faure va dans le sens de l'independance de la pensée.
- D'autre part d'une compilation de citations dans le but d'extraire tous les usages du mot "nature" fait par Jacques Monod dans son ouvrage le hasard et la necessité
JE RENDS HOMMAGE A INTERNET QUI ME PERMET DE PUBLIER CETTE COMPILATION DE CITATIONS. Ce n'est pas possible dans wikipedia. Ca n'a pas été possible dans l'université. C'est d'ailleurs presque un interdit general pour la pensée que d'essayer de parcourir le trajet entre l'infiniment grand et l'infiniment petit, de rechercher l'usage du concept de nature chez Monod lorsqu'on a investi tout son temps en 2007 dans l'enseignement de la lutte contre les gazs a effet de serre. Mais la pensée de Jacques Monod a été mal comprise puis recupérée par les structuralistes alors qu'elle annonce au contraire la nouvelle alliance de l'homme et de la nature qui sera demandée dans les années 1990 par Prigogine et Stengers.
Patrice DEBRÉ, Jacques Monod, collection " Grandes biographies ", Paris, Flammarion, 1996, 365 p.
Olivier Faure Paru dans Cahiers d'histoire, numéro 1997-2
Destinée au grand public, vite mais bien écrite, la biographie de Jacques Monod que nous livre Patrice Debré n'a pas la prétention d'être un livre d'historien mais sa lecture ne manque ni de charme ni d'intérêt pour les disciples de Clio.
La personnalité et l'œuvre de Jacques Monod (1910-1976), surtout connu comme l'auteur du best seller " Le hasard et la nécessité ", y est assurément pour beaucoup. Héritier de la tribu protestante des Monod, Jacques est loin d'être l'austère savant que l'on pourrait imaginer. Longtemps plus attiré par la musique et la direction d'orchestre que par la science, Jacques Monod est aussi un sportif passionné d'escalade et de voile. Le goût de l'aventure et du risque explique sans doute en grande partie sa présence éminente dans la Résistance aux côtés des communistes, dans la rue aux côtés des étudiants en mai 1968, dans le prétoire aux côtés des accusées du procès de Bobigny qui marque le chant du cygne de la loi de 1920 criminalisant l'avortement et réprimant toute propagande contraceptive, dans la presse aux côtés des fondatrices du planning familial. Atypique, Monod n'hésite pas, malgré son compagnonnage avec le parti communiste, à dénoncer parmi les premiers les supercheries du lyssenkisme, puis la politique scientifique de la France de Pompidou au moment où il est comblé d'honneurs. On le trouve aussi parmi les adversaires de la peine de mort et les militants de l'abolitionnisme. Son refus de toute dépendance, son côté non conformiste expliquent aussi son séjour au Californian technological institute (Caltech) dès 1936, ses allers et retours entre l'université, l'Institut biologique et physico-chimique, l'Institut Pasteur.
Plus difficile à suivre pour un profane, son itinéraire scientifique est lui aussi à l'image de ce personnage d'exception, passant de la biochimie à la génétique. Outre sa carrière scientifique et ses prises de position morales et politiques, Monod joue aussi un rôle décisif dans la définition d'une politique scientifique française, participant au colloque de Caen, patronné par Pierre Mendès-France, en 1956 et à la fondation de la DGRST (délégation à la recherche scientifique et technique) en 1959 défendant dans les deux circonstances la recherche fondamentale et dénonçant les politiques à courte vue fascinées par les applications immédiates. Enfin, il ne néglige pas de s'aventurer sur le terrain de l'éthique et de la philosophie avec le célèbre " Le hasard et la nécessité " dont le rentissement fut immense et qui fit beaucoup pour faire sortir les débats biologiques et génétiques du petit cercle des initiés.
À ce personnage hors du commun, il ne manque même pas les mauvais côtés qui le rendent humain et donc attachant. Sûr de lui jusqu'à l'extrême et dans l'erreur, dur et injuste avec ses élèves, moquant leurs hypothèses mais sachant très bien s'approprier leurs réussites, impitoyable patron de l'Institut Pasteur, redoutable homme de pouvoir collectionnant les honneurs et les charges. Dès la résistance il réussit à s'intégrer à l'état-major de de Lattre. Par la suite, il est comblé d'honneurs précoces. professeur à la Sorbonne, qu'il méprise profondément, à 48 ans, prix Nobel à 55, profeseur au Collège de France à 57, directeur de l'Institut Pasteur à 61, il envisage même de poser sa candidature à la présidence de la République.
Derrière ce véritable roman passionnant se profilent des questions plus historiques. En histoire des sciences, l'itinéraire de Monod et d'une grande partie de ceux qu'il croise montre bien, une fois de plus, que la recherche ne suit pas des chemins rectilignes et ne progresse pas par accumulation. Le livre est aussi passionnant par tout ce qu'il laisse apercevoir sur l'importance des structures et des contacts entre équipes pour le fonctionnement de la science. On y mesure le rôle essentiel de la fondation Rockefeller qui finance les instituts les plus prestigieux, accueille les chercheurs de tous horizons ; on y retrouve le rôle déjà bien connu de l'Institut Pasteur ; on s'y lamente - peut- être de façon un peu convenue - sur les misères et les faiblesses d'une université française toujours polarisée par l'enseignement et ses trop fameux concours de recrutement. Moins connu peut-être, tout ce qui concerne la politique scientifique depuis 1930 et qui donne envie de se plonger dans les ouvrages spécialisés et un peu confidentiels auxquels renvoie Patrice Debré. On aperçoit aussi combien la démarche scientifique n'est indépendante ni des choix idéologiques - l'affaire Lyssenko joue un rôle important dans le glissement de Monod de la biochimie à la génétique - ni des stratégies de pouvoir.
Au total et au delà de sa personne Monod est à la fois un des initiateurs d'un type social nouveau, le mandarin des temps modernes, brillant, séducteur, engagé, médiatique, communicateur mais tout aussi dominateur que ses prédécesseurs. Mais aussi l'un de ceux grâce auxquels la biologie et la science sont devenus des problèmes de la cité.
Citations sur la nature (Editions du seuil Paris 1970). Rappelons d'abord le sous titre de ce livre qui est :
Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne
La distinction entre objets artificiels et objets naturels apparait a chacun de nous immédiate et sans ambiguité ...si nous acceptons le postulat de base de la methode scientifique: a savoir que la Nature est objective et non projective (p 17)
C'est donc par référence à notre propre activité, consciente et projective, c'est parce que nous sommes nous mêmes fabricant d'artefacts, que nous jugeons du "naturel" ou de "l'artificiel" d'un objet quelconque. (p 17)
Nous savons que la ruche est "artificielle" en ce sens qu'elle représente le produit de l'activité des abeilles. Mais nous avons de bonnes raisons de penser que cette activité est strictement automatique, actuelle mais non consciemment projective. Cependant en bon naturalistes, nous considerons les abeilles commes des êtres "naturels". N'y a-t-il pas une contradiction flagrante à considérer comme "artificiel" le produit de l'activité automatique d'un etre "naturel"? (p 20)
Le developpement des sciences de la nature a partir du XVII°siècle, leur épanouissement a partir du XIX° siècle, loin d'effacer cette impression d'étrangeté , la rendait plus aigüe encore. Au regard des lois physiques régissant les systèmes macroscopiques l'existence même des êtres vivants semblait un paradoxe, violer des principes fondamentaux sur lesquels repose la science moderne. Lequels exactement? Cela n'est pas immédiatement clair. Il s'agit donc d'examiner la nature de ce ou de ces paradoxes. (p 30)
La pierre angulaire de la methode scientifique est le postulat d'objectivité de la Nature (p32)
C'est la théorie de l'évolution sélective qui assure en définitive la cohérence épistémologique de la biologie et lui donne sa place parmi les sciences de la "Nature objective". (p 38)
La démarche essentielle de l'animisme (tel que j'entends la définir ici) consiste dans une projection de la nature inanimée de la conscience qu'a l'homme du fonctionnement intensément téléonomique de son propre systeme nerveux central. C'est en d'autres termes l'hypothèse que les phénomènes naturels peuvent et doivent d'expliquer en définitive de la meme manière, par les mêmes lois que l'activité humaine subjective, consciente et projective. L'animisme primitif formulait cette hypothèse en toute naiveté, franchise et precision, peuplant ainsi la nature de mythes gracieux ou redoutables qui ont pendant des siècles nourri l'art et la poesie....On aurait tort de sourire meme avec la tendresse et le respect qu'inspire l'enfance. Croit-on que la culture moderne ait reellement renoncé à l'interprétation subjective de la nature? L'animisme établissait entre la nature et l'homme une profonde alliance hors laquelle ne semble s'étendre qu'une effrayante solitude. (p 44)
L'idée de retrouver l'ancienne alliance animiste avec la nature, ou d'en fonder une nouvelle grâce à une théorie universelle selon laquelle l'évolution de la biosphère jusqu'à l'homme serait dans la continuité sans rupture de l'évolution cosmique elle-même n'a, bien entendu pas été découverte par Theilhard. C'est en fait une idée centrale du progressisme. (p 45)
Pour donner un sens à la nature pour que l'homme n'en soit pas séparé par un insondable gouffre, pour la rendre enfin dechiffrable et intelligible, il fallait lui rendre un projet. A défaut d'une âme pour nourir ce projet, on insere alors dans la nature une "force" évolutive, ascendante, ce qui revient en fait a l'abandon du postulat d'objectivité. (p 46)
Il est particulièrement révélateur de constater que, voulant fonder sur les lois de la nature elle-meme l'édifice de leur doctrines sociales Marx et Engels ont eu recours eux aussi, mais bien plus clairement et delibérément que Spencer, a la projection animiste p 46)
N'oublions pas d'ailleurs que le materialisme dialectique est une addition relativement tardive à l'édifice socio-économique déja érigé par Marx, addition clairement destinée a faire du materialisme historique une "science" fondée sur les lois de la nature elle-même.... on peut certes comprendre dans une certaine mesure cette attitude de la part d'hommes du XIX° siecle, contemporains de la première grande explosion scientifique. Il pouvait bien paraître alors que l'homme grâce à la science fût en train de s'emparer directement de la nature, de s'en approprier la substance même. Personne, par exemple , ne doutait que la gravitation ne fût une loi de la nature elle-même, saisie dans son intimité profonde. (p 50)
Faire de la contradiction dialectique la "loi fondamentale" de tout mouvement, de toute évolution, ce n'en est pas moins tenter de systematiser une interprétation subjective de la nature qui permette de decouvrir en elle un projet ascendant, constructif, createur; de la rendre dechiffrable et moralement insignifiante. (p 51)
ici ce n'est tout a fait de la nature qu'il s'agit mais des termes "spontané" et "natifs"
Il n'est pas nécéssaire pour ce qui nous importe ici, de spécifier la nature des forces physiques qui interviennent. (p 68)
L'essentiel, pour ce qui nous intéresse ici est le caractère spontané de ce processus d'épigénèse moléculaire. Spontané en deux sens. (p 100 a 101)
Le potentiel chimique nécéssaire a la formation des oligomères n'a pas a etre injecté dans le système: on doit considerer qu'il est present dans la solution des monomères.
Thermodynamiquement spontané, le processus l'est également cinétiquement: aucun catalyseur n'est requis pour l'activer.....Un tel phénomène est étroitement comparable à la formation de cristaux moléculaires a partir d'une solution des molecules constituantes. La aussi il y a constitution spontanée d'ordre, par association entre elles des molécules appartenant a une meme espèce chimique. L'analogie est d'autant plus évidente que dans les deux cas, on voit se former des structures ordonnées selon des règles géométriques simples et répétitives. Mais on a pu montrer recemment que certains organites cellulaires de structure beaucoup plus complexe sont egalement les produits d'un assemblage spontané. C'est le cas des particules appelées ribosomes qui sont des composants essentiels du mecanisme de traduction du code genetique, c'est a dire de la synthèse des protéines. Ces particules dont le poids moléculaires atteint 10 (puissance 6), sont constituées par l'assemblage de quelques trente protéines distinctes ainsi que de trois types différents d'acide nucléique. Encore que l'agencement exact de ces differents constituant au sein d'un ribosome ne soit pas connu il est certain que l'organisation en est extremement précise et que l'activité fonctionnelle de la particule en dépend. Or a partir des constituants dissociés des ribosomes on assiste a la reconstitution in vitro, de particules de meme composition, de meme poids moléculaire, possedant la même activité fonctionnelle que le materiel "natif" initial. .................Sans doute cependant, l'exemple le plus spectaculaire que l'on connaisse aujourd'hui de construction spontanée d'un édifice moléculaire complexe, est-il celui de certains bacteriophages. La structure compliquée et très précise du bactériophage T4 correspond a la fonction de cette particule qui n'est pas seulement de proteger le génome (l'est a dire l'ADN) du virus, mais de s'attacher a la paroi de la cellule hote pour y injecter, a la manière d'une seringue son contenu d'ADN. Les différentes pièces de cette machinerie microscopique de précision peuvent etre obtenus séparément a partir de différents mutants du virus.
La découverte de la cellule et le théorie cellulaire permettait d'entrevoir une nouvelle unité sous cette diversité. Il fallu cependant attendre le développement de la biochimie, au cours du second quart du XX° siècle principalement, pour que se révèle intégralement la profonde et rigoureuse unité, à l'échelle microscopique du monde vivant tout entier. On sait aujourd'hui que, de la Bactérie a l'Homme, la machinerie chimique est essentiellement la même, dans ses structures comme par son fonctionnement. (p 118)
Dans sa structure: tous les êtres vivants sans exception sont constitués des mêmes deux classes principales de macromolécules: protéines et acide nucléiques. De plus ces macromolecules sont formés chez tous les êtres vivants, par l'assemblage des mêmes radicaux en nombre fini: vingt amino-acides pour les protéines, quatre types de nucléotides pour les acides nucléiques.
Par son fonctionnement: les mêmes réactions ou plutot séquences de reactions, sont utilisées chez tous les organismes pour des opérations chimiques essentielles: mobilisation et mise en reserve du potentiel chimique, biosynthèse des constituants cellulaires
C'est aux biologistes de ma génération qu'a été accordée cette révélation de la quasi identité de la chimie cellulaire dans la biosphère entière. Des 1950, la certitude en était acquise , et chaque publication nouvelle en apportait la confirmation. Les espoirs des "platoniciens" les plus convainçus etaient mieux que comblé. Mais cette revélation graduelle de la forme universelle de la chimie cellulaire semblait par ailleurs rendre plus aigu et plus paradoxal encore le probleme de l'invariance reproductive. Si chimiquement les constituants sont les mêmes et synthétisés par les mêmes voies chez tous les êtres vivants, quelle est la source de leur prodigieuse diversité morphologique et physiologique? Et plus encore, comment chaque espèce, utilisant les mêmes matériaux et les mêmes transformations chimiques que toutes les autres, maintient-elle invariante au travers des générations la norme structurale qui la caractérise et la différencie de tous les autres?(p 119)
Courage les 6 dernières citations:
Ce systeme par ses propriétés, par son fonctionnement d'horlogerie microscopique qui établit entre ADN et protéine, comme aussi entre organisme et milieu, des relations a sens unique défie toute description "dialectique". Il est foncièrement cartésien et non hegelien: la cellule est bien une machine. (p125)
Nous disons que ces altérations sont accidentelles, qu'elles ont lieu au hasard. Et puisqu'elles constituent la seule source possible de modifications du texte génétique, seul dépositaire a son tour des structures héréditaires de l'organisme, il s'ensuit necessairement que le hasard seul est a la source de toute nouveauté, de toute création dans la biosphère. Le hasard pur, le seul hasard, liberté absolue mais aveugle, à la racine même du prodigieux edifice de l'évolution: cette notion centrale de la biologie moderne n'est plus aujourd'hui une hypothèse, parmi d'autres possibles ou au moins concevables. Elle est la seule concevable, comme seule compatible avec les faits d'observation et d'expérience. (p 127)
Une mutation est en soi un évenement microscopique, quantique, auquel par conséquent s'applique le principe d'incertitude. Evenement donc essentiellement imprevisible par sa nature même. (p 129)
Au total on peut estimer que dans la population humaine actuelle (3x10 puissance 9) il se produit, à chaque génération, quelques 100 a mille milliards de mutations. Je n'avance ce chiffre que pour donner une idée des dimensions de l'immense reservoir de variabilité fortuite qu constitue le génome d'une espèce, malgré encore une fois les propriétés jalousement conservatrices du mécanisme répétitif.........Compte tenu des dimensions de cette énorme loterie et de la vitesse a laquelle y joue la nature, ce n'est plus l'évolution mais au contraire la stabilité des "formes" dans la biosphère qui pourraient paraitre difficilement explicable sinon quasi paradoxale.........L'extraordinaire stabilité de certaines espèces, les milliards d'années que couvre l'évolution, l'invariance du plan chimique fondamentale de la cellule ne peuvent evidemment s'expliquer que par l'extreme cohérence du système téléonomique qui, dans l'évolution, a donc joué le rôle a la fois de guide et de frein, et n'a retenu, amplifié, intégré, qu'une infime fraction des chances que lui offrait en nombre astronomique la roulette de la nature. (p 138)
Ce sont des interactions spécifiques en partie "choisies" par l'organisme lui-même, qui déterminent la nature et l'orientation de la pression de selection qu'il subit. (p141)
S'il en a bien été ainsi la capacité linguistique qui se revele au cours du developpement epigénétique du cerveau fait aujourd'hui partie de la "nature humaine" elle-même définie au sein du génome dans le langage radicalement different du code genetique. Miracle? Certes puisqu'il s'agit en toute dernière analyse d'un produit du hasard. (p151)
PS lien vers la revue du MAUSS