Les textes qui suivent sont des traductions libres du philosophe anglais Peter Thompson et ont paru en 2013 dans les colonnes du Guardian.

C'était la premiere fois que nous pouvions voir un exposé a peu pres complet de toutes les personnalités qui avaient contribué au renom de ce groupe de philosophes. Ca n'existait pas en France. Notre traduction est certainement un peu faible sur le plan philosophique mais ce n'est pas ce qui interesse Thompson qui tire des auteurs qu'il connait tres bien un florilege de citations qui sont autant d'explications impressionnantes de la renaissance du facsisme en Europe. Les philosophes de cette époque des années 30 avaient eu la main beaucoup plus lourde que nous pour defendre leures vies.

 

 

 I

 

L'ecole de Frankfort Partie 1 : Pourquoi Anders Breivik les craint?

Quand Anders Breivik a lancé son attaque mortelle en Norvège en juillet 2011, il a laissé derrière lui un manifeste un peu décousu qui attaquait non seulement ce qu'il avait vu de l'Islamisation de l'Europe mais aussi le travail de sapement par la culture marxiste de l'école de Francfort. Donc qu'est-ce que l’école de Francfort ? Son influence a t'elle été aussi profonde que Breivik le craint et que beaucoup d'entre nous ont espéré ?

 

 

 

 

Beaucoup auront entendu parler des personnalités dominantes de cette tradition : Theodor Adorno, Herbert Marcuse, et Max Horkheimer mais son influence s'étend beaucoup plus loin, au travail de la plupart des philosophes continentaux importants du 20° siècle,  et aux événements sociaux politiques.

 

 

 

L'école de Francfort fut officiellement appelée l'institut de recherche en sciences sociales et fut attachée à l'université de Francfort mais fonctionnait comme un groupe indépendant de marxistes qui cherchaient sous la direction de Felix Weil à étendre la pensée marxiste au delà de ce qu'elle était devenu un courant quelque peu dogmatique et réductionniste de plus en plus dominée a la fois par le stalinisme et la sociale démocratie. Le plus célébre c'est qu'ils ont cherché a marier une combinaison de l'analyse sociale marxiste avec les théories psycho analytiques de Freud, dégageant les racines de ce qui faisait réagir les gens dans la société capitaliste de consommation de même que ça les a fait tourner vers le fascisme dans les années 1930.

 

 

 

L'école de Francfort est revenue en arrière sur la première forme théorique du travail de Marx dans les années 1840 quand il faisait appel a son impulsion la plus humaniste qu'on trouve dans les Annales Franco Allemandes et dans sa correspondance avec Arnold Ruge. C'est dans ces premiers écrits que nous trouvons les développements de Marx les plus importants sur le rôle de la religion dans l'histoire et dans la société. Ses idées sur la façon dont le matérialisme dirigeait le monde étaient encore à formuler et il n'était pas encore devenu le théoricien de l'économie qui le fit connaître plus tard. Ce n'est pas ce que Marx a laissé de ses idées sur la religion derrière lui après ces premières années mais il sentait qu'il en avait parlé comme il faut et pouvait évoluer vers des affaires plus tangibles. Dans une lettre a Arnold Ruge en 1842 il écrivit :

 

 

 

« Notre motivation doit être : reformer les consciences non par le dogme mais en analysant la conscience mystique qui ne se comprend pas elle même si elle se manifeste dans une forme politique ou religieuse. Il devient alors évident que le monde a longtemps rêvé de posséder quelque chose dont il a seulement été conscient dans le but d'en prendre possession. Il deviendra évident que ce n'est pas une question de dessiner une grande ligne mentale entre le passé et le futur mais de prendre conscience de la représentation du passé. Dernièrement il est devenu évident que l’humanité n'a pas commencé un nouveau travail mais qu'elle est consciencieusement entrain de mettre en œuvre les effets de ses anciens travaux."

 

 

 

L’idée de ce que ce qui était exigé, était une reforme de conscience qui était devenue incompréhensible à elle même, est le principe de travail central de l'école de Francfort. Les pensées religieuses que Marx voyait comme une part de fausse conscience furent à combattre non pas par une attaque frontale dans le genre de la croisade de Dawkin mais en transformant les conditions sociales qui les avaient crée. Donc Marx n'était pas un athé. En effet il avait dit du terme athéisme qu'il « lui rappelait un enfant, garantissant a chacun qui est prêt a l'ecouter qu'il n'a pas peur d'un épouvantail ». Et l'école de Frankfort ne croyait pas que cette réforme de la conscience viendrait d'un simple changement socio-economique de la base de la société capitaliste. La religion etait pour eux, non seulement l'opium du peuple mais aussi un réservoir d'espoir devenu inintelligible par lui meme.

 

 

 

Freud vient dans cette équation parce que ces penseurs critiques ont pensé que les categories du moi de l'ego et du superego qui étaient en interaction constante avec les bases de la psyché humaine, conviendraient bien à la dialectique marxiste des luttes en histoire et de son sens. Si les sociétes allaient de l'avant dans l'histoire comme un résultat de la lutte des classes alors les individus étaient constamment en train de négocier entre une lutte qui concernent les réalités du monde autour d'eux et les pensées qu'elles leur inspirent.. Paradoxalement, l'école de Francfort voyait cela comme nécessaire à cause du relatif succès du capitalisme plutot qu'a cause de son effondrement imminent comme les plus dogmatiques des marxistes le proclamaient (et d'ailleurs continuent de le proclamer). Comment se faisaient il, argumentaient ils que la grande masse des peuples pouvaient être aspirée dans la complicité avec sa propre exploitation ? Avec l'émergence du fascisme dans les années 20 et 30 la question devint meme plus urgente. Qu'est ce qui conduisaient les gens a se jeter par dessus bord avec la barbarie ou le fascisme ? Ceci pour eux était le comble d'une conscience pervertie. Un des ouvrages de l’école de Francfort qui eurent le plus d'influence fut « the authoritarian personnality » qui traitait de ce phénomène, un travail qui prétendait être l’étude du préjudice et qui documentait les différentes façons dont les gens étaient motivées à penser et agir comme ils le faisaient dans le contexte social en tant qu'individu pour former des groupes et exclure d'autres catégories jusqu'au point de l'extermination génocidaire.

 

 

 

Paradoxalement c'est ce grand ennemi de l’école de Francfort, Breivik qui est le parfait exemple de la personnalité autoritaire sur laquelle Adorno a écrit ceci : « obsédé par le déclin apparent des standards traditionnels, incapable d'envisager le changement, prisonnier de la haine de tous ceux qui ne sont pas juges parti au groupe et prépare à entreprendre l'action pour défendre la tradition contre la dégénérescence". Plus préoccupant, spécialement adapté à la montée de groupes tel que Aube Dorée en Grèce, et répandant largement des tendances telle que la peur de l'islam dans l'opinion générale, Adorno affirmait que « des structure de la personnalité qui ont été refoulées comme pathologique parce qu'elles n’étaient pas de celles qui conservent l'individu au sein de la plus commune des tendances ou au sein du plus dominant des idéaux, avaient montré a l'investigation qu'elles tournaient à l’exhibitionnisme de ce qui était presque universel sous la surface de cette société". Ce qui est pathologique aujourd'hui peut dans le changement des conditions sociales devenir la tendance principale de demain. »

 

 

II

 

 

 

 

 

 

L'ecole de Frankfort Partie 2 : les dialectiques negatives.

 

 

 

Contrairement à Hegel Theodor Adorno rejetait l'idée que le résultat de la dialectique serait toujours positif et pré ordonné.

 

 

 

Adorno critiquait Hegel pour avoir présenté une dialectique positive et affirmative dans laquelle « tout ce qui est réel est rationnel »

 

 

 

Déjà dans les commentaires sur  la première mise en place de cette série sur internet un problème de tradition a émergé. Car une audience Anglo-saxonne prédominante et formée dans la tradition positive et empirique comprenant un groupe de penseurs spécialisés dans les spéculations concernant l'Hegelianisme et le Marxisme est toujours en train d'exiger un saut dans la confiance. Ceci est aussi corroboré par le fait que le large bloc unilingue anglo saxon a à travailler avec les traductions de ses penseurs qui ne sont pas toujours les meilleures de celles qu'on peut obtenir.

 

 

 

Par exemple des termes tels que "Wissenschaft" et "Geist" dont la traduction est traditionnellement « science » et « esprit », apparemment sont des opposés irréconciliables quoique en philosophie l’écart qui les sépare est beaucoup moins marqué. En fait vous seriez en droit de prétendre que dans l'allemand d'origine ils pourraient être traduit l'un et l'autre par « connaissance », laissant les différents types de connaissances être soupesés par la spéculation. Quand elle est arrivée a l’école de Francfort la tradition anglo saxonne a été confrontée a ses pires cauchemars dans dans une nuit torride d'assouplissement musculaire.

 

 

 

Theodore Adorno ouvre son traité sur la dialectique négative par le jugement selon lequel « il y a une phrase qui obscurcit la tradition. Des ses premiers pas dans Platon la dialectique signifie qu'on va parvenir à quelque chose de positif au moyen de la négation ; la figure dominante de la négation de la négation est devenu plus tard le raccourci de l'explication. Ce livre cherche a libérer la dialectique de telles affirmations sans pour autant en réduire les déterminants. En d'autres mots il nous demande de rejeter l’idée que la dialectique a toujours une sortie positive, et que nous procédons ainsi sans jamais abandonner l’idée qu'en arrière plan existe un modèle dialectique explicatif. Nous aurions simplement du en faire un processus ouvert plutôt que fermé.

 

 

 

Dans Hegel la dialectique est largement vue comme le moyen par lequel a travers tensions et contradictions l'histoire humaine représente le déploiement de la liberté humaine dans l'esprit de l'expression « weltgeist » ou l'esprit du monde. Chaque age a son propre esprit du temps (une sorte d’apparition sur la terre considérée comme une expression de l'absolu -Christ comme Dieu si vous voulez) mais chacun de ces âges est lié et inséré dans celui qui lui succédé. Ainsi l'histoire n'est plus « une putain de succession de choses les unes après les autres » tel que Alan Benett le voyait, mais un accroissement progressif à travers les contradictions des différentes étapes pour la satisfaction de l'absolu. Comme Ernst Bloch le faisait remarquer, devenir, ou en anglais becoming était le mot de passe pour pénétrer dans Hegel et l'histoire était simplement le processus de ce devenir. La dialectique etait ainsi la façon de comprendre d'abord une vielle idée mise en avant par Heraclite et selon lequel chaque chose est constamment un flux ou « panta rhei », que la condition de base du monde est le changement et non pas la stabilité. Mais le changement vers quoi ?

 

 

 

Dans Hegel, c'est l'absolu, et chez le plus fameux successeur de Hegel, Marx, ça devient la libération de l'humanité dans une forme de société communiste obtenue par l'action consciente du prolétariat qui renverse le dernier obstacle en abolissant la classe dirigeante et par voie de conséquence, en toute logique, lui-même. La dialectique marxiste remplace l'esprit idéaliste d'une période en travaillant par des voies mystérieuses la lutte des classes matérialiste et concrète comme le moteur de l'histoire constamment présent et constituant l'histoire en tant que telle.

 

 

 

Dès la fin du 19°siècle cette analyse marxiste fut « hegelianisée » dans le sens qu'elle fut présenté de plus en plus souvent comme la réalisation automatique et inévitable d'un chemin pré ordonné. Adorno critiquait Hegel pour avoir mis l'accent sur cette façon de présenter une dialectique affirmative et positive dans laquelle « tout ce qui est réel est rationnel, c'est adire que chaque chose qui se produit doit contribuer a un moment ou a un autre au travail vers l'absolu. Pour utiliser un terme technique cela signifie que dans Hegel « l'identité est a la fois l'identité de l’identité et de la non identité ». Dans un langage plus courant, Hegel argumente que l'existence du tout est faite de l’unité de ses contraires, que le tout dans lequel chaque chose à sa place, et résout les tensions qui se produisent entre ses opposés.

 

 

 

La dialectique négative tourne cela sur la tête en disant que « la non identité est à la fois non identité de l’identité et non identité en soi » ou encore que l'existence est incomplète qu'il y a un trou la dedans dans le quel le grand tout devrait être, que l'histoire n'est pas le simple déploiement des concepts pré ordonnés du réel et que l'existence est donc ontologiquement incomplète.. C'est là que nous trouvons les liens entre Marx et Freud parce que la ou marx parlait des facteurs matériaux objectifs dans l'histoire qui crée les conditions de notre conscience (l'être est déterminé par la conscience) même si nous ne sommes pas nécessairement conscient de cela, Freud argumente que c'est cet être inconscient et objectif, dont nous sommes également dans l'ignorance qui détermine nos pensées conscientes. Le contenu latent de nos rêves est donc égalé par le contenu latent mais encore non réalisé des possibilités de l'histoire humaine. (reportez vous a la lettre de Marx à Ruge de mon article précédent)

 

 

 

La dialectique négative d'Adorno est conçue pour ouvrir à l'investigation aussi bien les possibilité non réalisées des niveaux micro de l'individu comme au niveau macro de la psychologie collective dans le but de vaincre al fois des souffrances individuelles et collectives. C'est la contradiction même entre ce qui est et ce qui devrait être qui nous permet de dépasser nos limites par lesquelles nous sommes constamment défiés de créer notre point final plutôt que de se laisser glisser en dormant vers lui. Cela signifie que nous nous déplaçons de la nécessité vers la contingence. Dans la dialectique négative il n'y a pas de nécessite pour que les choses tournent d'une certaine façon et la téléologie orientée vers le futur qu'Adorno reprochait à Hegel de suivre est remplacée par la téléologie rétrospective dans laquelle nous pouvons seulement voir que ce qui a réussi à nous faire arriver là ou nous aurions du arriver, mais qui n'était pas nécessaire que ça arrive de cette façon. Les êtres humains sont le produit d'une évolution, mais l’évolution n'est pas là pour créer des êtres humains. Walter Benjamin a exprime cela de façon célèbre par « l'ange de l'histoire » qui revient en arrière depuis le futur avec les débris des événements cassées a ses pieds. Les dialectiques négatives sont en dernier lieu des dialectiques ouvertes par des événements contingents et non par une destinée pré-établie.

 

 

 

La semaine prochaine je verrais comment tout cela fonctionne dans l'attente d'une rupture du globe de neige du consummerisme capitaliste occidental. Si vous voulez faire une lecture en prévision, je vous suggère « la dialectique de la raison ».

 

III

 

L’école de Francfort 3 : La dialectique de la raison.

 

 

 

Adorno et Horkheimer écrivirent ce texte clé pendant leurs année d'exil au moment de la guerre parvenant à une vue pessimiste de notre place dans le système.

 

 

 

La dialectique de la raisons de Theodor Adorno et de Max Horkheimer est peut-être le texte central de l'école de Francfort.

 

 

 

L'école de Francfort s'est rassemblé et a développé ses théories dans un monde bouleversé par la première guerre mondiale. La République de Weimar fut pour l'essentiel une société cherchant a se protéger des chocs dans laquelle beaucoup des anciennes certitudes avaient été réduites en pièces. Pire que cela était que rien n'était sorti des ruines pour donner a qui que ce soit un espoir dans le futur.

 

 

 

Au moment ou la démocratie libérale vacillait et ou Weimar était aspirée par le nazisme cette école presque entièrement composée d'intellectuels juifs marxistes fut forcée de fuir un pays qui s'était tourné contre eux à la fois pour des raisons de race et de politique. L'un de leur membre les plus adulé, Walter Benjamin, se suicida à la frontière franco-espagnole en 1940 un acte qui précipita bien des autres penseurs du groupe dans une grande dépression.

 

 

 

Ayant changé de pays plus souvent qu'ils n'avaient changé de chaussures comme s'en amusait Bertold Brecht ils finirent au USA dans les années Hitler qui bien qu'il leur offrit un refuge, était une société dont il sentait qu'elle n'avait rien à offrir à l'humanité. Ernst Bloch décrivait les États-Unis comme un cul de sac éclairé par la lumière des néons » presque une directive pour un film de David Lynch – et ils sentaient qu'une société lancée a la poursuite du bonheur individuel était la quintessence d'un monde fait de facettes superficielles et inauthentiques, jamais sincères.. Dans un de ses plus fameux aphorismes de ses « Minima Moralia » parues en 1951 le philosophe Adorno dit qu' « il n'est pas possible de vivre une vraie vie dans un faux système ».

 

 

 

Plus important dans ce contexte est que les penseurs de l'école de Francfort ne firent pas beaucoup de distinction entre les formes variées du capitalisme, que se soient des démocraties consuméristes ou des dictatures fascistes. Bien que la surface apparente des mécanismes d'oppression fut évidemment différentes pour eux les règles sous-jacentes du capital étaient les mêmes.

 

 

 

La dialectique de la raison, peut être le texte central de leur école, fut écrit par Adorno et Horkheimer pendant ces années d'exil. Ils arrivent à une vue pessimiste de ce qui peut être fait contre un faux système qui au moyen de la culture de l'industrie crée constamment une conscience falsifié de ce qui se passe dans le monde autour d'eux basé sur des mythes et des distorsions volontairement placés dans un ordre qui bénéficie à la classe dirigeante

 

 

 

Ce n'est pas bien sur particulier au capitalisme mais dans le capitalisme cela trouve sa forme marchandisée de telle sorte que nous devenons des consommateurs volontaires et reproducteurs de notre propre aliénation en étant aussi sur le plan culturel consommateurs et non producteurs de culture. C'est probablement une bonne chose qu'ils n'aient pas vécu pour voir le « X factor » et « OK magazine ». Pour Adorno et Horkheimer, la culture authentique n'est pas simplement égalée par la haute culture qui est également marchandisée. La culture authentique résiste directement a la marchandisation des objets et puni l'assistance qui est dans l'attente d'une distraction.

 

 

 

Dirigée depuis la théorie de la dialectique négative, la dialectique de la raison argumente que les valeurs qui illuminent ne sont pas automatiquement progressistes et que le processus potentiellement libérateur du déploiement de la liberté humaine tel que Hegel et évidemment Marx l'avaient positivé est détruit par notre enchaînement à la totalité des relations sociales du capitalisme.

 

 

 

Leurs vues sont que le fascisme, le stalinisme et le capitalisme consumériste produisent une socialisation très élargie des moyens de productions et des modes d'association dans l'économie avec un rôle central pour l'état. Cette convergence a aboli les pires excès de l'exploitation de classe et l'a remplacé par une sorte de complicité sociale entre les classes sous tendues par le recours aux mythologie et au contrôle idéologique.

 

 

 

Le contrôle n'est pas exercé seulement par une répression directe mais au moyen d'aspects apparemment non idéologiques de notre vie quotidienne, en particulier les voies dans lesquelles le monde moderne nous encourage à poursuivre nos désirs plutôt que de rompre avec eux et de les contrôler. Ici De Sade est en compagnie de Nietzsche pour démontrer à quel point la modernité et les lumières ont apporté la réécriture de toutes les valeurs et sapent toutes les traditions. Marx aussi notait que dans le capitalisme « tout ce qui est solide fonds dans l'air ». Ce qui est souvent mal compris à ce point est que l’école de Francfort ne fut pas la cause de la rupture apparente des valeurs sociales mais attira l'attention sur la façon dont le capitalisme conduisait inévitablement à la destruction des vieilles certitudes. Au même moment en nous faisant connaître l'expérience en tant qu'extension de notre libido nous nous sentons aussi coupables et nous transférons le risque d'être puni sur d'autres que nous mêmes.

 

 

 

Dans le domaine de l'antisémitisme ils expliquent les chemins par lesquels les mythes sur les juifs ont été utilisé a la fois le fascisme et les démocraties libérales pour créer un groupe extérieur qui pouvait être puni pour tous les problèmes. C'est ce qui culmina dans la théorie nazi que le monde était dominé par une conspiration juive dans laquelle les riches banquiers juifs finançaient les communistes dans le but d'élargir la domination de la finance sur la bonne vieille tradition nationale des valeurs productives.

 

 

 

Freud a été lancé la dedans pour dire que la haine des autres (dans ce cas les juifs, mais ça peut être bien d'autres groupes) est en fait un moyen de masquer la jalousie de ce qu'ils ont non en termes de richesse mais à cause de la forte cohésion sociale facilement identifiable dans leurs pratiques collectives qu'ils conservent tandis que la nation « hôte »pourrit autour d'eux. Le fascisme est ainsi un succès non parce que il est répressif mais parce qu'il permet et encourage nos plus profonds désirs à trouver le coupable pour notre propre complicité.

 

 

IV

 

 

 

L’école de Francfort partie 4 : Herbert Marcuse

 

 

 

Comment se peut-il demandait Marcuse que l’État totalement administré qu'il voyait à l’œuvre dans les sociétés occidentales ait pu se permettre cela ?

 

 

 

Quand la génération étudiante s'est rebellé dans les années 60 à travers l'Europe, en Allemagne au moins c'était Herbert Marcuse qui avait la plus grande influence. Car quoique Adorno avec ses jugements philosophiques hautement pessimistes pouvait dire sur la progression négative de l'humanité  vers le cataclysme final de la bombe atomique, Marcuse continuait d'exprimer une vision plus optimiste de ce qui pouvait être obtenu. En fait quand 1968 arriva, Marcuse déclara qu'il était heureux de constater qu'on venait de prouver que toutes leurs théories étaient fausses. Aussi Marcuse écrivit d'une façon beaucoup plus accessible sur la façon dont la philosophie et la politique étaient entrelacées.

 

 

 

Pendant que le philosophe marxiste et structuraliste français Louis Althusser était à la peine pour concevoir le partage clair entre ce qu'était le jeune Marx et ce qu'il fut plus tard, Marcuse maintenait que les thèmes des premières œuvres de Marx, concernés comme elles l'étaient par l’éloignement et l’aliénation, étaient transportées et approfondies dans les texte plus économiques écrits ultérieurement. Comme il le citait : « si nous regardons plus attentivement les descriptions du travail aliéné nous faisons une remarquable découverte : car ce qui est décrit ici n'est pas seulement une affaire économique. C'est l’aliénation de l'homme, la dévaluation de la vie, la perversion et la perte de la réalité humaine. Dans un passage significatif Marx l'identifie comme il suit : le concept du travail aliéné, c'est a dire de l'homme aliéné du travail sépare, de la vie séparée, de l'homme séparé ».

 

 

 

Marcuse liait l'exploitation économique et la marchandisation du travail humain par un concept plus large sur la façon dont la production marchande (description de base par Marx de la société capitaliste) était en une seule et même fois créatrice d'un surplus massif de richesses à travers l'économie et le développement technologique, avec l'accélération du processus de réduction de l'humanité au niveau d'un engrenage dans le mécanisme de cette production.

 

Comment etait-ce possible demandait Marcuse que l’État entièrement administré qu'il voyait a l’œuvre dans les démocraties pouvait tout se permettre ? C'est qu'il agissait au moyen d'une « tolérance répressive ». Ainsi est la théorie selon laquelle dans le but de contrôler le peuple plus efficacement il est nécessaire de lui donner ce dont il a besoin sur le plan matériel de même que de lui laisser obtenir ce qu'il pense nécessaire au plan culturel politique et social.

 

 

 

La démocratie parlementaire démontrait il par exemple, est plus un simulacre, un jeu périmé pour donner l'impression au gens d'avoir leur mot a dire dans la façon dont la société fonctionne. Au delà de la façade cependant il affirmait que les mêmes vieilles puissances étaient encore à l’œuvre et que évidemment à travers leur tolérance à la distorsion, le débat avait été géré pour donner le sentiment d'une liberté culturelle et politique tout en raffinant et développant l'exploitation du travail humain sans que personne ne le remarque objectivement.

 

 

 

La liberté constitutionnelle et l'égalité était d'autant mieux établies disait il que si elle masquait simplement l’inégalité institutionnelle elles étaient pire qu'inutiles. Comme il le posait dans « l'homme unidimensionnel » : « l'élection libre des maîtres n'abolit pas les maîtres et les esclaves. Le libre choix parmi une large variété de bien et de services ne signifie la liberté si ces biens et ses services sont au services des contrôles sociaux sur une vie de peur et de labeur, c'est a dire si ils ont aide a maintenir l'aliénation. La reproduction spontanée de bien surimposés a des individus n'établit pas l'autonomie ; elle atteste juste de l'efficacité des contrôles.

 

 

 

L'instrumentalisation de l'humanité ne pourrait aller en marche arrière disait encore Marcuse qu'en mettant au défi le processus social qui avait conduit le système des valeurs de gouvernement à adopter le plaisir, la joie, le jeu et la réceptivité à revenir en arrière vers une satisfaction retardée, le refoulement du plaisir, le travail, la productivité et la sécurité.

 

 

 

Appuyant ses plans sur Freud, il maintenait que l'interrupteur entre le principe du plaisir et le principe de réalité bloquait la croissance du potentiel humain juste au moment ou les conditions objectives de la libération des hommes étaient sur le point d'êtres atteintes. De nouveau c'est là ou le matérialisme marxiste historique est mariée avec la dialectique – et il considérait les deux comme inséparables- en mettant en avant que la bascule entre le principe du plaisir et le principe de réalité était absolument nécessaire au développement de la civilisation mais que dans ce processus le sentiment d’épanouissement de l'humanité devait être sublimé.

 

 

 

Dans la dialectique, la civilisation est a la fois négative tout en étant un pas en avant. Et cependant La partie positive du processus de civilisation ne peut être vue comme la fin de la dialectique, ce que Francis Fukuyama appela plus tard « la fin de l'histoire » aussi longtemps que la dialectique de la libération humaine reste inachevée. Comme il le posait : « le vrai positif est la société du futur au delà des définitions et des déterminations tandis que le positif existant est ce que nous avons a surmonter ».

 

 

 

Il est aise de voir comment l'optimisme philosophique qui regarde loin devant fait appel au radicalisme politique de la génération des années 60 et comment l'appel a la libération de l'humanité aussi bien au niveau individuel qu'au niveau collectif pourrait aider a provoquer de nouveaux mouvements sociaux qui n'aurait plus aucune confiance dans la capacité des organisations traditionnelles et conservatrices de la gauche d'apporter aucun changement significatif que ce soit a l'ouest ou a l'est.

 

 

 

La semaine prochaine je serait de retour pour vous donner un aperçu du travail de Walter Benjamin, le prophète perdu de l’école de Francfort.

 

V

 

 

 

 

 

The Frankfurt school, part 5: Walter Benjamin, fascism and the future

 

 

 

Walter Benjamin; « La tradition des opprimés nous enseigne que « l’état d'urgence » dans lequel nous vivons n'est pas l'exception mais la règle »

 

 

 

Citant Hegel, Walter Benjamin nous rappelle qu'avant toute lutte philosophique vient la lutte pour l'existence matérielle : « assurez avant tout la nourriture et l'habillement et le royaume de Dieu viendra à vous de lui-même – Hegel 1807 » ou bien, selon Brecht le meilleur et le plus proche des amis de Benjamin « d'abord le pain et après la morale ». Mais ça n’entraîne pas obligatoirement que l'abstraction, la spéculation et la réflexion sur soi-même doivent être refoulées en faveur d'un matérialisme historique entièrement mécanique. Ce qui caractérise tous les penseurs de ce groupe comparés aux autres marxistes contemporains c'est précisément le souci qu'ils ont eu de ces problèmes qui ne peuvent être testés mesurés et décidés et qui restent dans l'expectative, indécidables.

 

 

 

Comme le dit Benjamin dans ses «Thèses sur le concept d'histoire » : « La lutte des classes qui reste toujours une vision pour un historien formé par Marx est une lutte pour les choses brutes et matérielles parmi lesquelles il n'y a rien pour des aspirations fines et spirituelles. Néanmoins ces dernières sont  présentes aussi dans la lutte des classes, autre chose qu'un simple butin acquis par la victoire. Elles sont présentes telle que la confiance, le courage, l'humour, la ruse, la fermeté dans la lutte, et elles vont chercher très loin en arrière dans le brouillard des temps. Elles viendront bientôt interroger chaque victoire qui a jamais été gagnée par ses chefs et les remettre en question. Juste comme les fleurs tournent leur tête en direction du soleil, ainsi se comportent, par une sorte de vertu secrète de l' héliotropisme, ceux qui ont été tourné vers le soleil qui est descendant vers le crépuscule dans le ciel de l'histoire. De toutes ces choses qui passent inaperçues par toutes les transformations du matérialisme historique il faut tenir compte. »

 

 

 

Par cette lecture, l'histoire échappe a un chemin linéaire et téléologique autour d'un point fixe et devient un ensemble à partir duquel des possibles sont soit soit réalisés soit rejetés mais ne disparaissent jamais complètement. De nouveau cela continue le thème que Marx avait commencé dans sa lettre a Ruge et que j'ai déjà cité sur la réalisation d'un rêve humain très ancien. Benjamin se réclame de ces temps messianiques dans lesquels les possibilités de l'histoire sont répétées sans cesse de façon a guider nos choix dans des conjonctures spécifiques. Pour cette raison son matérialisme historique fait appel aux services de la théologie qu'on conservera cependant caché aux yeux du public bien qu'elle ait souvent tiré les ficelles. A ceux qui critiquent le communisme et le marxisme comme étant simplement une nouvelle forme de croyance religieuse, Benjamin a pour position comme Ernst Bloch dont je vous parlerais la semaine prochaine, que la religion se comporte comme une sorte de navire qui serait plein de son autorité historique et structure l'étincelle de libération qui ne peut être complètement réalisé qu'à travers une transformation historique et matérielle.. Dans ce sens la religion n'est qu'une vieille forme d'un futur jusqu'à présent irréalisable.

 

 

 

Jusqu’à ce qu'un futur irréalisable devienne réalisable ses traces doivent être lu dans les formes symboliques de l'expression humain dans les différentes époques historiques. Pour revenir a ce qu'Adorno disait de la dialectique négative la position de Benjamin est que nous trouvons une solution a ce qui est sans identité dans le matériel et le transcendantal grâce au symbolique. C'est ce qui fait apparaître clairement un autre point de contact entre Marx et Freud dans les œuvres desquels les pensées transcendantales existent non comme séparées de la réalité matérielle mais comme quelque chose à la fois produit puis affectant, influençant la réalité matérielle. Chez Marx c'est la relation dialectique entre la base et la superstructure, pour le dire de la façon la plus simple, et chez Freud c'est la relation entre la conscience et le royaume de l'inconscient. Dans Freud le symbolique joue le rôle de l'expression de ce qui nous est inconnu mais que nous connaissons en secret ; nominalement l'inconscient. Dans Marx l'expression symbolique est présente dans l’idéologie parce que, loin d’être une simple relation linéaire entre la base et la superstructure l'idéologie est un flux en position d’être capturé et changé par les efforts de humains pour parvenir à des réalisations. Les idées changent quand les sociétés changent mais les idées ont aussi créé du changement social.

 

 

 

Pour Benjamin le rôle du symbolique dans l'art est plus important que son rôle transitoire dans l'histoire. Son travail sur le baroque par exemple en fait un des points tournant de l'expression religieuse entre le moyen age et la renaissance. Le jeu de deuil a cette époque de la renaissance par son obsession pour la violence et la mort reflète la croissance de ce qui est une réalisation encore largement inconsciente à savoir qu'il n'y aura pas de fin heureuse dans les cieux et que,- c'est aussi ce que pense Bloch, la mort devient la partie la plus dure de toutes les anti-utopies. L'art et la culture dans cette époque, bien que à cette époque ce qu'on espérait était le passage du capitalisme au socialisme, avait à s'emparer de toutes les possibilités de la technologie de façon à ce qu'elle soit maîtrisée non pas pour dominer la nature mais pour dominer la relation que l'humanité entretient avec la nature.

 

 

 

Cela signifie que l'art a à jouer un rôle politique en contribuant à accroître la conscience de ce qui est à long terme le potentiel humain pour la réalisation de rêves anciens. Cependant il prend d'autre voies soit que Adorno l'a fait chuter et changer de route à cause des fusées qui lancent des bombes nucléaires soit a cause du mouvement vers l'avant des hautes plaine ensoleillées de la libération sociale. L'art et la technologie sont devenus indissociable, politisés d'une façon prédominante dans le cinéma. L'aura de l'art traditionnel aurait pu être détruite par la modernité mais l'aura future de l'humanité en voie de libération, l'art en œuvre avait a prendre sa place. Si le fascisme représentait l’esthétisation de la politique, alors le combat contre le fascisme devait impliquer une politisation de l'esthétique et la création active d'une aura de nos possibilités.

 

 

 

C'est pourquoi Benjamin affirme que l’état des oppressés nous enseigne que l’état d'urgence dans lequel nous vivons n'est pas une exception mais la règle. Nous devons atteindre une conception de l'histoire qui nous conserve toujours en vue de cette intuition. C'est seulement a cette condition que nous pourront réaliser ce qui est notre tache de provoquer l'état d'urgence et ainsi d’améliorer notre position dans la lutte contre le fascisme.. En d'autres termes toutes les classes sociales sont dans un perpétuel état d'urgence dans lequel les chefs sont toujours sous la menace. Le fascisme n'est pas une rupture avec la tradition mais une continuation de la traditionnelle classe dirigeante par d'autre moyens. Le vaincre exige de nous non seulement une attitude anti fasciste mais aussi la destruction de ses racines dans l'oppression des classes. C'est ce que disait Horkheimer en 1939 : "si vous ne voulez pas parler du capitalisme vous feriez mieux de la fermer et de vous tenir tranquille face au fascisme ».

 

VI

 

 

 

 

 

 

L'école de Francfort PARTIE 6 : Ernst Bloch et le principe de l'espoir.

 

 

 

Bloch s'écartait de l'école de Francfort sur le fascisme et voyait l'expression religieuse comme une partie du désir humain de libération.

 

 

 

« Nous devons croire dans le principe de l'espoir. Un marxiste n'a pas le droit d'être pessimiste ».

 

 

 

Nous ne pouvons pas compter Ernst Bloch parmi les figures centrales de l’école de Francfort. Évidemment ils ont conservé une distance les uns vis a vis des autres pour beaucoup de raisons différentes, cependant Bloch était sans doute une personnalité intellectuelle capable d'avoir de l'influence sur beaucoup des autres membres de l'école.. Né en 1885 il était déjà assez vieux pour avoir connu les cercles qui se réunissaient autour de Simmel et de Weber avant la première guerre mondiale et suivi, au cours de la république de Weimar l'exil aux USA pour ne pas rester en Allemagne sous les nazis, et le retour en Allemagne de l'est en 1949 puis la fuite a l'ouest en 1961 jusqu'à sa mort a Tubingen en 1977. Il a publié 16 volumes de travaux philosophiques tres influents. Il fut un ami intime de Walter Benjamin, de Bertold Brecht, Kurt Weil, Georgy Lukacs et Adorno. Ce dernier par exemple disait qu'il n'y avait rien de ce qu'il ait écrit qui ne se soit référé à l’œuvre de Bloch publié en 1918 sous le titre de « l'esprit de l'Utopie », et il fut dit plus tard que Bloch avait restauré l'honneur du concept d'Utopie.

 

 

 

Mais le principal des ouvrages de Bloch est un compendium en trois volumes intitulé « le principe de l'espoir » dans lequel il couche la myriade de voies par lesquelles l'espoir et le désir humain de libération et d'épanouissement apparaît dans notre vie de tous les jours. Comme nous pouvons le voir d’après les citations que nous avons faites il n'était pas d'accord avec le pessimisme croissant d'Adorno, n'avait jamais renoncé à l'idée que le pouvoir serait transformé par l'action politique de la classe ouvrière et le nouveau mouvement. C'est ainsi qu'il fut encore plus chéri du mouvement de mai 1968 qu'Herbert Marcuse. Cependant Bloch n'approchait pas l'espoir et l'utopie d'un point de vue naïvement optimiste. Il était bien conscient des problèmes qu'avaient rencontré ceux qui voulaient aller de l'avant par la négation de la négation. Son livre sur la montée du fascisme dans les années 30, « l’Héritage de notre temps » attaquait à la fois la gauche marxiste orthodoxe et ses amis de l'école de Francfort qui ne réalisaient pas que le fascisme était, dans ses mots, un mouvement religieux perverti qui gagnait des gens à des idées quasi utopiques sur les merveilles que leur apporterait le futur empire.Il faisait remarquer que le terme exact de 3° empire était emprunté aux travaux de Joachime da Fiore qui avait pose qu'il serait seulement possible de l'atteindre qu'avec le retour du Christ.

 

 

 

De cette façon il se tenait a distance de l'école de Francfort qui à son tour évidemment se tenait à distance parce qu'il n'était pas préparé a suivre la ligne freudienne moyenne sur la montée du fascisme. Le principe d'espoir avait été à l'origine dénommé comme les « rêves d'une meilleure vie ». C'est un livre extraordinaire qui discute des voies par lesquelles nous refoulons ou exprimons nos espoirs en rêves et en conte de fées, par le sport, la musique et l'amour et qu'il sont tous les expressions d'espoir qui n'ont pas encore été réalisés. L’opérateur central était précisément le concept du « pas encore ». Il parle d'une « ontologie du non encore existant » dans laquelle nous sommes tout le temps en train de construire une utopie concrète. Il utilise l'adjectif de concret ici dans le sens de Hegel comme a « con crescere » c'est à dire les tendances et les latences qui grandissent ensemble dans les relations entre réalités matérielles et intervention humaine qui sont toujours pleines de possibilités mais qui ne se réalisent pas encore parce que les conditions matérielles de leurs réalisations ne sont pas encore complètes.

 

 

 

Cependant il avait aussi remarqué que le processus pour gérer l'utopie était un processus auto-géré. Il proposait  « un processus avec des figures ou bien figurae in processus », les progrès qui sont faits par ceux qui ont été changé par le processus de telle sorte que l'honneur restauré de l'idée d'utopie n'est pas un programme préexistant qui doit être atteint sous la direction sage d'un encadrement qui sait tout de tout que ce soit un parti ou une église mais un processus poétique conduit par tous les êtres humains qui produisent créent peinent à surmonter aussi bien la faim que leurs rêves. La société que nous parachevons devrait donc être le produit du processus par lequel nous l'avons obtenue.. Cela retourne sur la tête la compréhension traditionnelle de l'utopie comme un Telos, comme un état idéal préexistant.. En décrivant cela il s'accordait explicitement avec le rejet par Marx de l'utopie communiste. Plus important, peut être son impact le plus significatif sur la communauté intellectuelle fut sa façon de débattre de l'expression religieuse en tant qu'expression du désir humain de libération, bien qu'il ne se concentre pas sur des structures autoritaires -il remarquait par exemple que le mot de religion venait de re-ligio ce qui signifie s'attacher de nouveau. Son livre « athéisme dans la chrétienté » est sur la religion en tant qu'exode et en tant que transcendance de la réalité matérielle sans qu'il existe le besoin d'un au delà transcendantal, d'un royaume extérieur à la réalité matérielle. Dans ce sens la mort de Dieu est une partie essentielle de l’expérience religieuse.

 

 

 

Tous ces facteurs maintenaient entre eux la croyance dans les lumières et la modernité aussi bien que dans un mouvement religieux impétueux vers la lumière au sein des êtres humains qui sont tous des expressions d' "invariant de direction » dans l'homme qui pourrait nous porter en avant jusqu'à un endroit ou nous n'avons encore jamais été mais ou nous nous sentons comme à la maison.. Tout au long du chemin nous serions débarrassé de notre croyance dans des dieux et réinvestirions cette croyance dans nous mêmes et c'est à cette condition que nous réaliserions notre potentiel.. La croyance dans des dieux et dans le transcendantal cependant n'est pas une sorte de délire ou le fait d'un ADN pourri, mais c'est le porteur essentiel d'un idéal utopique aussi longtemps que le monde n'est pas prêt a le recevoir. Évidemment tous ces facteurs maintiennent aussi que l’idée communiste d'une disparition de l'appareil d’état était simplement la version séculaire de l’idée qu'on doit aimer son voisin et mettre en pratique le vieux précepte religieux adopté par Marx selon lequel « de chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins ».

 

VII

 

L'ecole de Francfort partie 7: quoi encore?

 

Traduction du 7

 

 

 

Habermas et Honneth representent à la fois une rupture et une continuité autour du thème de la réification.

 

 

 

Bien que je me sois concentré sur les grands noms de l'école classique de Francfort son histoire et ses relations avec le fascisme, le capitalisme et les conditions crée par la République de Weimar, l’école de Francfort existe encore aujourd'hui. Son influence reste considérable à travers Jurgen Habermas et Axel Honneth. Du premier Adorno au dernier Habermas c'est une très grande distance qui est parcourue mais il y a des fils qui courent tout au long de ce travail. Comme Axel Honneth le fait remarquer lui-même un de ces fils est l'idée de réification. Il revient à Georgy Lukacs pour travailler sur ce concept dans son « histoire de la conscience des classes depuis 1925», et faire remarquer que bien que le terme soit passé de mode dans la période d’après guerre a l'exception d'une petite période de réutilisation par le mouvement de 1968 il n'a jamais vraiment disparu et il est sur le point de réémerger aujourd'hui.

 

 

 

La réification sous une forme ou sous une autre a été le concept déterminant du marxisme occidental depuis la révolution bolchevique. Elle définit les premiers essais de l'école de Francfort pour comprendre le fascisme en tant qu'externalisation des désirs refoulés, et sous tend les théories esthétiques de Walter Benjamin dans lesquelles le fascisme est décrit comme une « esthétisation de la politique », de même que le concept de Marcuse de l'homme unidimensionnel s'appuie aussi sur la réification des désirs dans la culture de la consommation.

 

 

 

Cependant lorsque nous parlons de la seconde et de la troisième génération de l’école de Francfort représentée respectivement par Habermas et Honneth nous parlons plus d'une rupture avec la tradition que d'une continuité. Il n'y a pas de quoi être surpris. Le monde de Weimar et le fascisme dans lequel la première génération a grandi était très différent du succès clinquant de démocratie libérale sans classe de l'Allemagne de l'ouest.

 

 

 

Honneth est revenu au-delà de Lukacs et Marx, jusqu'à Hegel pour situer les bases de la réification non dans des termes economiques sociaux et culturels mais comme un problème de reconnaissance de ce que Platon avait nommé le Thymos qui coexiste avec la raison et l'eros pour former les trois bases de notre psyché. Bien sur cette triade platonique pourrait être considérée comme équivalente a la division freudienne du Ça (éros) de l'ego (raison) et du super ego (thymos) et dans ce sens la réification continue la tradition psychanalytique de l’école de Francfort. Mais Honneth la fait sortir du contexte idéologique car les facteurs économiques et structurels ont change pour placer au premier plan la psychologie individuelle.

 

 

 

Thymos est aussi a la racine de la conception de Fukuyama sur la fin de l'histoire dans ce sens qu'il croit qu'il ne peut pas y avoir d'autre étape au-delà de la démocratie libérale précisément parce que c'est la démocratie libérale qui garantit le plus grand niveau possible de la reconnaissance de l'individu. Cela signifie plutôt que de chercher a être débarrasse de la réification par le renversement révolutionnaire des structures du système capitaliste qui est la cause de l'aliénation et de l'exploitation, nous avons a nous concentrer sur l’amélioration et le perfectionnement du capitalisme et de la démocratie libérale jusqu'au point ou nous gagnerons la pleine reconnaissance de l'individu en tant que sujet humain.. Ainsi Fukuyama retourne sur sa tête le théorème d'Adorno qu'il ne peut y avoir rien de vrai dans un système faux et maintient que ce n'est pas n'importe quoi dans le système moderne capitaliste qui a un effet aliénant et réifiant car le système tout entier est potentiellement ouvert à un mouvement de réformes et et d'améliorations.

 

 

 

Avec le triomphe de la consommation dans des années 1950 puis 60 et l'absence de toute crise économique d'importance qui aurait pu entraîner la révolte du prolétariat les questions d’identité politique et d’idéologie devait être sérieusement repensée. La théorie critique avait à développer une pensée exploratoire pour négocier cette absence et cette réalisation que le consumérisme avait institué pour remplacer la religion. Pour paraphraser Marx c’était cette fois le signe d'une créature non oppressée dans un monde non hostile.

 

 

 

Habermas lui même qui se situait dans une approche critique de Hegel et de Marx (ce qui fut le titre d'un de ses ouvrages) s’était déjà éloigné de ce qui avait fait les préoccupations de la première génération. Après 1979 il disait qu'il n'avait pas partagé « le présupposé que la raison instrumentale avait gagné une telle position dominante qu'elle ne laissait aucune sortie dans un système totalement délirant au sein duquel un aperçu de l'avenir ne peut être obtenu que par les flashes de quelques individus isolés".

 

 

 

Plutôt que de maintenir que rien ne pouvait être fait pour améliorer les conditions jusqu'à ce que e capitalisme soit délogé et remplacé par un socialisme il était plus intéressé à trouver des voies dans lesquelles la sphère publique serait transformée graduellement dans un espace ou les media et les grands appareils idéologiques pourraient être remplacé par les dialogues intersubjectifs et interactif des gens d'en bas. Ce qu'il appelle « la théorie du discours » le conduisit à son ouvrage majeur « la théorie de la communication et de l'action » dans laquelle il se demande comment la première génération fut capable de se tenir a l’écart de la totalité répressive et de maintenir un point de vue critique sur les relations . Si il avait réussi a atteindre une pensée totale alors ceux qui s'appliquaient la théorie critique a eux mêmes étaient aussi une partie de la totalité répressive.

 

 

 

C'est un long chemin parcouru depuis les jours de gloire de la critique Marxo-freudienne mais le principal souci d'Habermas etait de s'engager dans la defense de la raison, de la science et de la modernité et aussi dans les valeurs humaines universelles contre ce qu'il considérait être la menace permanente d'un retour aux forces obscures irrationelles et regressives de la peur.

 

 

VIII

 

 

 

 

 

L'école de Francfort partie 8 : qu'est ce que nous sommes devenus depuis ?

 

 

 

La question finale de cette série est de savoir si chaque problème apporté par l'école de Francfort a encore une actualité ou une importance. Il y a eu deux périodes distinctes dans le travail de cette école, d'une part la tentative de comprendre et d'expliquer le fascisme qui est survenu pendant la république de Weimar. Ce fut une période de dislocation politique économique et sociale qui mit en évidence des sujets matériels de la part des travailleurs qui pouvaient être facilement trompés par la recherche traditionnelle des boucs émissaires et des explications simplistes. Pendant cette période continuait à exister cependant un puissant mouvement ouvrier sous la forme de la social-démocratie et du communisme qui si il avait été capable de surmonter la timidité des premiers et l’incompétence stratégique des seconds aurait pu être le rempart contre la montée de l’extrême droite.

 

 

 

La seconde période fut celle des années d’après guerre au cours de laquelle il y eut un consensus qui s'est formé sous le parapluie de la guerre froide et de la prospérité grandissante ce que les français nomment les trente glorieuses et dans lesquelles il fut declaré que les classes et la lutte des classes devait prendre fin.. Les théories de l’école de Francfort sur la marchandisation, l’aliénation, la réification et la mauvaise conscience furent revisitées par le mouvement de 1968 comme une façon d'expliquer la passivité de la classe ouvrière. Évidemment c'est pendant cette période que la classe ouvrière commença d’être regardée comme une partie du problème plutôt que comme une partie de la solution. La marche en avant du travail s'était arrêtée, la social démocratie et le communisme s’accommodaient de ce nouveau consensus et le philosophe André Gorz lançait « un adieu a la classe ouvrière ».

 

 

 

Depuis le milieu des années 1970 cependant nous avons commencé de vivre dans un monde ou la prospérité automatique et la croissance des années d’après guerre ont disparu.. les salaires réels sont tombés en même temps que la productivité avait augmenté transférant ainsi une inimaginable richesse aux plus riches dans la société  L'estimation de la quantité d'argent qui est cachées dans les comptes des paradis fiscaux varie entre 12 et 32 milliers de milliards, une richesse qui serait suffisante pour effacer presque tous les problèmes sociaux de la pauvreté si elle devait être confisquée d'un seul coup d'un seul et socialement investie et redistribuée.

 

 

 

La grande récession depuis 2008 a balayé assez loin l'ensemble des illusions que les gens avaient sur la société dans laquelle ils vivent. Quand un gouvernement éprouve le besoin de proclamer « que nous sommes tous ensemble la dedans » alors le vrai sous texte de cette déclaration devient clair.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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